La belle Corisande

 

 Diane d'Andoins est née en 1555 dans un château de chalosse. Sa famille appartient à la haute noblesse : elle fait partie de la maison de Foix par sa mère et de celle de Poitiers par son père.

 La mort subite et prématurée de ses parents fait d'elle très tôt, une orpheline confiée à ses oncles qui, certes, jouent parfaitement leur rôle de tuteurs mais ne lui donnent pas l'affection dont une enfant a besoin. 

 En 1567, alors âgée de 12 ans, elle est émancipée pour être fiancée à Philibert, Comte de Guiche, héritier de la puissante famille de Gramont. Sur la demande de Jeanne d'Albret, la cérémonie des fiançailles se déroule au château de Pau en présence de toute la cour, à la suite de laquelle les nouveaux fiancés se rendent au château de Bidache, résidence des Gramont. C'est là qu'ils se marient quelques mois plus tard. Deux enfants naissent de cette union : d'abord un garçon, Antoine puis une fille, Catherine.

Obscur Philibert

 Les choses changent radicalement après la mort du couple Gramont en 1576 qui donne à Philibert de nouvelles responsabilités. La vie du comte de Gramont prend alors un chemin tortueux : abandonnant le parti du roi de Navarre pour d'obscures raisons, il devient, pendant quelques temps, un agent du roi d'Espagne Philippe II. Philibert était à la recherche de la gloire sur les champs de batailles, il prend ainsi part à de nombreux combats, mais n'en retire que peu de gloire. 

Pendant ce temps, son épouse réside à Bidache et à Bayonne où elle mène une vie paisible, entretenant une véritable passion pour la littérature romanesque et les romans de chevalerie mettant en exergue l'amour courtois, que l'on retrouve alors dans de nombreuses bibliothèques. Elle affectionnait particulièrement l'héroïne du roman Amadis de Gaule, mettant en scène les valeurs véhiculées par l'amour courtois. Cette femme, du nom de Corisande, retenait son chevalier servant prisonnier dans une île, lui procurant de loyaux adversaires avec lesquels il devait se mesurer en combat singulier pour démontrer sa bravoure. Corisande incarnait pour elle un certain idéal chevaleresque. C'est ainsi qu'elle s'approprie ce prénom qui devient officiel lorsqu'elle signe un acte de notaire du nom de Corisande d'Andoins.

 Cette passion pour la littérature romanesque ne l'empêche pas de posséder de solides connaissances littéraires et poétiques qui lui permettent d'entretenir une relation d'amitié avec l'un des plus grands esprits de son temps, Michel de Montaigne, avec lequel elle discute longuement de la poésie de Ronsard ou Du Bellay.

Maîtresse et conseillère 

Alors que les Guerres de Religion font rage, le comte Philibert de Gramont trouve la mort le 7 août 1580 au cours d'un combat à La Fère. Sa veuve décide alors de s'installer dans son château d'Hagetmau où elle reçoit régulièrement Catherine de Bourbon, soeur du roi de Navarre. Elles deviennent amies, partageant le goût pour la poésie, la littérature, la musique. Leur amitié est d'autant plus forte que les deux femmes, en ces temps de conflits religieux, font abstraction de leurs convictions religieuses : Catherine étant protestante et Corisande catholique.

 Catherine invite son amie à Pau en 1582 et, à l'occasion de son séjour au château, Corisande fait la connaissance du roi de Navarre lors de son retour de la Rochelle. Le roi, séduit par la belle comtesse de Guiche imprégnée de littérature courtoise, lui fait une cour assidue. Leur relation éclate au grand jour à la suite du séjour du Roi à Hagetmau en juillet 1583.

 Les deux amants entretiennent une relation passionnée qui va au-delà de la simple relation amoureuse car Corisande deviendra progressivement la confidente, la conseillère et parfois l'inspiratrice d'Henri. Le Vert Galant semble avoir trouvé le grand amour car, pendant quelques années, il passe beaucoup de temps à Hagetmau et on ne lui connaît pas d'autres aventures.

A partir de 1584, le contexte politique oblige le roi à repartir à la tête de ses troupes et il ne reviendra à Pau qu'épisodiquement. Durant cette période, les deux amants entretiennent une correspondance régulière d'une qualité littéraire exceptionnelle. Corisande n'hésite pas à conseiller le roi, faisant preuve d'une grande sensibilité et d'un grand attachement à la notion de devoir et au sens de l'honneur. Elle apporte un soutien sans faille à Henri, et, lorsqu'il se trouve en difficultés financières, lui fournit les subsides nécessaires à la poursuite de sa politique.

Cependant, au cours de ses campagnes, le roi de Navarre, sensible au charme féminin, s'éprend d'une jeune rochelaise, Esther Ymbert. Après la victoire de Coutras sur les troupes de la Ligue qui lui donne gloire et fortune, Henri rentre en Béarn. L’histoire amoureuse avec Corisande touche alors à sa fin, mais les deux anciens amants continuent à s'écrire.

 La profonde amitié liant Corisande et Catherine sera en partie responsable de la rupture définitive avec Henri. Catherine avait été promise par son frère au comte de Soissons. Le mariage ne posait pas le moindre problème, les deux futurs époux étant tombés amoureux, jusqu'à ce qu'Henri décide que le mariage n'aurait pas lieu. Corisande prend alors le parti de Catherine et va jusqu'à la convaincre de se marier sans le consentement du roi. Dès son arrivée à Pau, le comte de Soissons est arrêté avant d'être expulsé du Béarn. Lorsque le roi apprend le rôle joué par Corisande, il lui adresse une lettre d'une extrême dureté dans laquelle il écrit « que toutes personnes qui voudront brouiller ma soeur avec moi, je ne leur pardonnerai jamais »... 

Lorsque le roi de Navarre devient Henri IV, la comtesse de Guiche accompagne Catherine de Bourbon à Paris et décide de s'y installer. Rentrant progressivement dans les bonnes grâces du roi, elle restera son amie jusqu'à sa mort en 1610. Elle rentre ensuite à Hagetmau, à la suite de difficultés financières, et coule des jours paisibles jusqu'à sa mort en 1621.

Extrait de Corisande d’Andoins, Comtesse de Guiche Raymond Ritter, Albin Michel, 1959

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